Diriger un EHPAD en 2024 : quels enjeux ?
30 septembre 2024
Entre humanité, technologie et éthique, découvrez comment les EHPAD évoluent pour offrir un cadre de vie adapté aux seniors dépendants.
Face à l’augmentation de l’âge et du niveau moyen de dépendance de leurs résidents, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) doivent dès à présent faire évoluer leurs pratiques et leurs modes de fonctionnement pour répondre efficacement aux nouvelles attentes des résidents et de leurs proches.
Or, des enjeux humains, économiques, technologiques, éthiques et sociétaux révélés ou exacerbés par la crise sanitaire transforment significativement la gestion et la direction des EHPAD en 2024.
Des enjeux humains
Par essence, l’humain est et doit rester au cœur des structures d’accueil et d’hébergement des seniors. Aujourd’hui, les EHPAD tendent à développer une approche domiciliaire pour faciliter l’entrée de leurs nouveaux résidents et permettre à ces derniers de se sentir chez eux.
Cette nouvelle approche nécessite souvent des reconfigurations profondes dans la gestion et l’organisation des résidences, comme en témoigne Éric MAHOT, directeur de l’EHPAD La Providence à Rouans (44).
Pour lui, “les structures doivent être globalement beaucoup plus ouvertes vers l’extérieur et tenir compte des nouvelles attentes des résidents des années à venir, ne serait-ce qu’en matière de régimes alimentaires”. Elles doivent également être enclines à “des évolutions architecturales et des changements de pratiques” pour garantir la qualité de vie des usagers ainsi que le maintien de leur autonomie et de leurs activités sociales.
La personnalisation des soins est toutefois entravée par des problèmes de gestion du personnel dans de nombreux établissements médicalisés. En 2018, la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) constatait déjà plusieurs limites dans une enquête nommée “Le personnel et les difficultés de recrutement dans les EHPAD” :
- 15% des employés des EHPAD avaient moins d’un an d’ancienneté dans leur structure.
- 44% des établissements déclaraient rencontrer des difficultés de recrutement, avec des postes non pourvus depuis plus de 6 mois dans 63% d’entre eux.
- 1 établissement privé sur 2 était confronté à des difficultés de recrutement.
Accentué par des disparités géographiques, le manque de ressources humaines est aussi conditionné par la qualité de vie au travail offerte par les EHPAD. L’épidémie de COVID-19 ayant eu un impact direct sur les conditions de travail et la santé des soignants, elle engendre encore aujourd’hui une pénurie de main-d’œuvre qualifiée.
Les professionnels du secteur et les jeunes diplômés sont plus que jamais réticents face à la pénibilité physique et mentale de l’accompagnement et du soin en EHPAD, d’où l’enjeu prioritaire pour les directeurs de fidéliser les équipes et de limiter le turnover. “Pour les résidents aussi, la stabilité du personnel est indispensable parce qu’elle facilite la prise en considération des habitudes, des préférences et des besoins de chacun” affirme ainsi notre interlocuteur.
Des enjeux économiques et financiers
L’aspect économique et financier constitue la principale différence entre les EHPAD publics et les EHPAD privés. Parce qu’ils sont financés par les pouvoirs publics, les premiers peuvent proposer des tarifs plus abordables que les seconds et s’adressent donc en priorité aux familles à ressources faibles ou modérées. Certains EHPAD privés reçoivent également des subventions publiques, c’est pourquoi la maîtrise des coûts et la gestion des ressources publiques et privées concernent en réalité la plupart des structures pour personnes âgées.
Or, “beaucoup d’EHPAD font l’expérience d’un équilibre financier précaire, voire d’un déficit important” comme le souligne le directeur de la résidence La Providence. Trouver le juste équilibre entre la qualité des services et le coût pour les familles fait aussi partie des enjeux majeurs face aux soupçons et aux accusations de maltraitance associés à certains établissements.
Malgré une situation budgétaire dégradée, la majorité des résidences se retrouvent dans l’obligation de moderniser leurs infrastructures et leurs outils numériques pour améliorer leurs soins et leur efficacité.
Des enjeux technologiques
Qui dit “modernisation des EHPAD” dit aussi “avancées technologiques”. Là encore, la crise sanitaire a eu une réelle influence sur la digitalisation des soins puisqu’elle a fait émerger ou du moins renforcé le besoin de la télémédecine, des dossiers médicaux électroniques et des technologies de suivi à distance. Lorsqu’elles sont possibles, ces innovations apportent d’ailleurs une aide significative aux équipes en poste.
Afin de lutter contre l’épuisement professionnel sans sacrifier le bien-être des résidents, les établissements peuvent dorénavant compter sur des dispositifs d’automatisation tels que la robotique pour alléger la charge de travail du personnel soignant et les technologies d’assistance à destination des seniors.
La réponse aux enjeux technologiques dépend bien sûr des moyens financiers des structures concernées, d’où l’importance d’avoir une vision globale de la situation des EHPAD en 2024.
Des enjeux réglementaires et éthiques
La mise en conformité des résidences joue un rôle essentiel dans leur attractivité auprès des personnes âgées et de leurs proches. Le respect des normes de sécurité, du bien-être et des droits des usagers compte donc parmi les principaux points de vigilance des directeurs d’EHPAD.
Des débats éthiques amènent également ces derniers et leurs collaborateurs à questionner leurs pratiques au quotidien, vers plus d’inclusivité. Parmi les sujets d’actualité, le consentement des résidents, la fin de vie, la dignité et le respect de l’intimité révèlent des manquements de la part de certains établissements et des prises d’initiative inspirantes de la part d’autres structures.
Des enjeux sociétaux
En tant qu’acteurs sociaux, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ont la possibilité de collaborer avec les structures locales pour mutualiser les ressources et créer du lien.
De plus en plus d’EHPAD répondent par exemple positif à la création de tiers-lieux au sein de leurs bâtiments. Espaces de coworking, friches culturelles, tiers-lieux nourriciers : ces nouveaux espaces contribuent activement au dynamisme de la communauté locale, dans une perspective d’ouverture des résidences et de renforcement du sentiment d’appartenance des usagers.
Ainsi, l’image publique des directeurs d’établissement et la transparence ont toute leur importance dans le cadre de la gestion des EHPAD en 2024. D’après Éric Mahot, les directeurs ont le devoir de “changer l’image de [leurs] structures, en particulier pour les familles qui vivent encore trop souvent l’entrée d’un proche en EHPAD comme le dernier recours, alors que [les] résidences encouragent la vie sociale et la stimulation globale des personnes âgées isolées.”
Dans un contexte de vieillissement croissant de la population, les résidences pour seniors ont tout intérêt à s’adapter à l’évolution des attentes et des besoins afin de gérer la hausse des demandes de places en EHPAD à venir dans les prochaines années.